Beyrouk: Parias, entre Nouakchott et Sahara

Cela fait presque 14 ans qu’à Toulouse, nous connaissons Beyrouk: son livre « Et le ciel a oublié de pleuvoir » avait été présenté à la librairie La Préface, en présence de Michèle Rodary: Toulouse commençait à participer au prix annuel « Coup de coeur de Coup de soleil ». http://alger-mexico-tunis.fr/?p=2458

Et nos amis lyonnais, eux aussi, visitent régulièrement Beyrouk voir leur lettre mensuelle récente: https://www.coupdesoleil-rhonealpes.fr/lettre-culturelle-franco-maghrebine-44

Il nous donne en 2021 un nouveau roman, Parias, qui met à nouveau en scène la société mauritanienne. Vision violente, certes. Le dialogue par lettres entre un fils et son père. Le monde de ce dernier tourne entre la mine, la prison, mais aussi le Sahara: « J’appelais à moi notre vieux campement, nos pâturages rares mais splendides à mes yeux, notre vie d’hier […] quand les soucis n’étaient que ceux de la nature, l’herbe se raréfiant, la pluie tardant à venir, une chamelle perdue, le puits tarissant trop vite, l’existence de Bédoins qui voient chaque matin le soleil aller et venir sans jamais s’interroger sur la logique d’une telle errance ».

Le monde du fils tourne dans les bas quartiers de Nouakchott, où il survit grâce aux solidarités familiales, aux petits larcins. Ce roman noir est sans cesse parcouru d’éclairs lumineux où les protagonistes cherchent l’amour qui les unit.

(février 2021, Beyrouk, Parias, roman, Sabine Wespieser Editeur, 183 p.)

Cliquer pour accéder à Beyrouk.pdf

A la radio: France Inter 19 octobre « Par Jupiter » https://www.franceinter.fr/emissions/par-jupiter

En librairie, invité par Coup de soleil, en dialogue avec Georges Morin, 20 octobre

https://www.youtube.com/watch?app=desktop&v=yfor4bKePJk

C’est le 23 juin 2021, chez Habib, que nous avions appris la venue de Beyrouk en France à l’automne. C’est notre amie Bernadette Mimosa-Ruiz qui l’accueille le 8 octobre dans son enseignement à l’Université catholique de Toulouse, devant quelque 70 étudiants. [le soir même il présentera ses livres à la librairie Privat et le lendemain dans le Tarn…]. Les ouvrages de l’auteur sont présentés. Parias, le dernier, est publié en France (les précédents étaient sorties chez Elyzad à Tunis).

Sur le parcours de Beyrouk: son grand-père, d’une lignée de cheiks d’une tribu nomade, apprend à lire et écrire dans l’école de « fils de chefs » installée par le colonisateur français implanté depuis peu. Son père est instituteur à Atar et dès l’adolescence le goût de l’écriture en français le pousse à rédiger des nouvelles, publiées entre autre dans la presse locale fort limitée, ou dans Présence africaine. Son gouvernement (une Mauritanie indépendante depuis peu) l’envoie comme étudiant boursier à l’Université de Rabat pour étudier le droit. Il trouve surtout là-bas des contacts pour sa passion littéraire… et pour se sentir « révolutionnaire » en revenant dans son pays, où il exerce le journalisme avant de se concentrer sur l’écriture romanesque. Il insiste sur le fait qu’on n’est jamais obligé d’écrire, que c’est un plaisir régulier pour lui et que « boucler » un livre est un soulagement. Il nous dit qu’il est « francographe » (c’est son métier…) mais rarement francophone: il a peu d’occasions de parler français à Nouakchott où il vit.

SI Beyrouk a vécu dans la petite ville de Atar, sa famille est proche du milieu nomade, qu’il fréquente chaque année chez son grand-père en période de vacance, ce qui lui permet de se pénétrer des valeurs des campements, des silences, des immensités. C’est avec le cheikh son grand-père qu’il ressent le désert et pour cela il n’y a pas de méthode de transmission. Il s’y familiarise avec les pâturages et les troupeaux, mais il sait que l’avenir est très fragile pour les quelque 600 000 nomades (sur 4 millions de Mauritaniens), qui de plus en plus passent du statut de libres éleveurs indépendants à celui de bergers salariés, « prolétaires du désert », dépendants de gros propriétaires de bétail vivant en ville. Ce nouveau statut est vécu comme une honte. Les exigences du soin, de la scolarisation, dévalorisent un mode de vie de plus en plus ressenti comme trop rude. Un dialogue s’engage entre Beyrouk et un « ex-coopérant » en Somalie: les nomades sont-ils de plus en plus victimes d’un monde de frontières qui cassent leurs habitudes de libres pâturages, ou bien savent-ils se jouer de ces frontières dont ils sont les meilleurs transgresseurs?

Sur les valeurs libératrices de la littérature francophone qu’il pratique, il insiste sur son initiation d’élève: Voltaire et plus encore Victor Hugo dont il a lu très jeune, d’une traite, Les misérables, un livre poétique qui sort le lecteur de sa condition. Les conditions déplorables, en Mauritanie comme ailleurs au Maghreb, de la tentative d’arabisation des années 1980, n’ont pas permis l’émergence d’une littérature « locale ».

Les étudiant(e)s interrogent Beyrouk sur les grands problèmes actuels. En Mauritanie, la condition féminine, les tabous de la virginité, sont peut-être moins rigides que dans d’autres pays musulmans, sans doute parce que les sociétés nomades sont à ces sujets plus ouvertes que celles des villes. Au parlement, comme dans les communes, des quotas féminins sont aménagés et respectés dans le système électoral. Le djihadistes est certes un problème très présent, mais pour lui plus qu’un problème religieux, c’est un refuge qui permet de se cacher quand on se sent marginal ou trahi.

15 octobre (de Michèle Rodary) …Les élèves du lycée de Pézenas ont beaucoup apprécié la rencontre avec Beyrouk. La documentaliste me communique qu’ils ont lu un texte lors de l’hommage à Samuel Pathy avec leur professeure Anne Vayssiere.
L’extrait lu par un élève: [12/10] Vayssiere Anne: « Mon père était instituteur à l’école coloniale. Il enseignait le français : il aimait beaucoup cette langue. Il pensait que le français peut être une arme de liberté. Bien que francophile, il était farouchement anticolonialiste. C’est cela qui m’a façonné. Pour parler du premier livre en français que j’ai lu, il m’a offert un livre de Victor Hugo. C’était « Les Misérables« . Ça m’a passionné. Je suis sorti de ce livre avec une passion pour la langue française et pour Victor Hugo en particulier ? Cette passion ne m’a pas quitté. …Il pensait que quand on a lu Voltaire, on ne peut plus être un esclave »

Et puis nous retrouvons le roman antérieur de Beyrouk, Je suis seul, grâce à Youtube (2018) https://www.youtube.com/watch?v=v3YRZOqyevA

Puis une entrevue pour un autre livre, en octobre 2021: https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/mauritanie/livres-beyrouk-redonne-ses-lettres-de-noblesse-au-sahara_4815973.html

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