Michèle Perret, Premier convoi, 1848, Chevrefeuille étoilé
C’est un roman historique qui est très près du réel. Il parle des ouvriers parisiens révoltés des journées de juin 1848 que la police et la garde Nationale mitraille et pourchasse. Au départ, après la révolution de février, c’est la fermeture des ateliers nationaux qui donnaient du travail qui enclenchent une émeute et les barricades. Après cette répression terrible le gouvernement pourtant républicain a l’idée de se débarrasser de ces émeutiers et de leurs familles en les envoyant peupler une terre nouvelle l’Algérie. Un premier convoi de péniches part donc de Bercy le 8 octobre 1848 et traverse la France par les canaux puis par la Saône et le Rhône jusqu’à Marseille ou là ils embarquent sur un bateau en direction de la région d’Oran. Après ce long voyage plein d’espoirs et de craintes l’armée les installe à côté du village arabe de Gdyel, sous le nom français de Saint Cloud. Le pays qu’ils découvrent n’est pas celui des cartes postales qu’on leur a promis et ils vont devoir s’échiner sur une terre ingrate et dans des conditions très difficile. Beaucoup vont mourir de la malaria, beaucoup aussi, pas tellement paysans, vont abandonner la terre et rejoindre la ville…
C’est un livre simple mais bien écrit avec des personnages attachants. Qui redonne au petit peuple européen d’Algérie une partie oubliée de son histoire, celle de la fuite devant l’épouvantable misère des Espagnols ou des Maltais, mais aussi des Français, des parias, des relégués et leurs familles. Donc très loin de l’image de gros colons faisant « suer le burnous » que l’Histoire a trop souvent collé aux « Pieds noirs »
Extrait: (Pages 88 et 89) « Adieu Paris, adieu misère, adieu terreur d’être fusillé. Partons, partons pour l’Algérie, partons pour une vie nouvelle, ce qui nous y attend ne peut être pire que notre vie d’ici : l’aventure, un autre métier, un peu de bonheur peut-être. Et pour commencer, réjouissons-nous d’avoir pu échapper aux fusils de Cavaignac. »
Ils s’éloignaient de Paris, diversement acclamés sur les rives. Ils avaient été les forces vives de la nation, on leur faisait chanter qu’ils en étaient le fardeau.
C’étaient des hommes et des femmes simples et rudes, des prolétaires aux mains calleuses, des artisans, des boutiquiers, pris dans la tourmente de misère et de révoltes qui s’était emparée de la capitale, rejetés par les beaux messieurs et les belles dames qui n’étaient pourtant rien sans eux. Fusillés parfois juste pour avoir eu les mains sales, ils s’étaient faits beaux pour le jour ensoleillé où l’on se débarrassait d’eux, ils fuyaient vers les fortunes les plus diverses, charogne pour les Arabes, comme on le leur crierait parfois sur la route, quand on voudrait les humilier. Transportés. Déportés ? Avec tous les honneurs de la République.
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