Jaula de oro, 3013, México/ España
Sin nombre, 2009, México/ USA, de Cary Fukunaga
Deux films, à quatre ans d’écart, sur le sort des migrants clandestins entre Amérique Centrale et Etats-Unis, à travers un Mexique où la violence de la police, celle des bandes, locales ou plus largement organisées (maras du Salvador), s’attaque aux plus faibles : ceux qui, parce que c’est gratuit, naviguent des semaines sur les trains de marchandise (au Mexique il n’y a
plus de trains de voyageurs…). Lenteur de ces énormes trains, aussi vétustes que les voies. On saute sur les wagons en marche en s’accrochant, on s’installe en grappes sur les toits. Sin nombre était un film de violence pure, à la limite du soutenable. Jaula de oro alterne des scènes extrêmement dures et des moments d’une poésie profonde, dans une nature tropicale où survivent les trois adolescents (une fille métis, deux garçons, l’un indien et l’autre blanc). Cette nature tropicale rappelle celle du film de Matias Meyer http://alger-mexico-tunis.fr/?p=421 . Voir aussi http://alger-mexico-tunis.fr/?p=464 pour ce contraste entre la lenteur de la nature tropicale et la violence de la migration, là encore au Mexique.
De nos jours, certes, des milliers de Mexicains subissent ce sort, mais bien plus nombreux sont ceux qui migrent dans de « bonnes » conditions, parce qu’ils ont accès aux réseaux,
familiaux ou non, qui permettent d’entrer aux Etats-Unis sans risque majeur (voyager en sécurité, passer au bon endroit, voire en touriste), puis de s’y fondre dans les quartiers urbains latinos. Alors que la proportions des centre-américains qui n’ont pas le choix et s’embarquent pour le voyage à risque est bien plus forte, depuis le Guatemala, le Salvador, le Honduras ou le Nicaragua.
Ces films qui dénoncent les conditions du voyage sont fort heureusement financés par des organismes mexicains. Sur le thème de la frontière et des migrants clandestins, les films sont très nombreux, souvent (en particulier pour les films américains) centrés sur la transgression et le crime vus « au plus près » de personnages exceptionnels, sur la frontière. Ici, dans ces deux films, c’est la vie quotidienne de gens du commun, de gens d’en bas, qui nous est montrée.
La question simpliste est souvent : « comment éviter que ces gens prennent ces risques insensés pour un résultat forcément négatif ? ». C’est le point de vue de ceux qui, depuis plusieurs générations, Américains ou Européens, vivent en un endroit où ils se croient au centre du monde. La majorité des habitants de la planète sait qu’il y a un ailleurs, plus ou moins bien connu, où il est parfois préférable d’aller vivre, et qu’à tout moment c’est une option d’y tenter sa chance. Les événements qui déclanchent la prise de risque sont multiples : la misère bien sûr, mais aussi un conflit local, ou familial, ou personnel. Les murs ou les règlementations ne changent rien au fait que dans une génération la moitié des habitants des Etats-Unis seront d’origine « latina », tout comme un peu plus tard la moitié des Européens auront pour origine les terres qui sont à l’est et au sud de l’Europe.
Sur ces migrations, bien plus de films concernent la ligne Mexique- Etats-Unis que la « ligne » Méditerranée. Dans le second cas la migration se morcelle en de multiples situations, dans le premier le récit stéréotypé se concentre sur le mur frontalier, bidonville grouillant d’un côté, paysage vide de l’autre. Nos deux films, eux, savent montrer que pour les migrants l’histoire est longue et compliquée.
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