Coup de Soleil Toulouse, réouverture au printemps 2021

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Résumé sur la réunion de Coup de Soleil du jeudi 27 mai 2021 chez Claude et Françoise Bataillon. Présent : Habib, Sabah, Isabelle, Marc, Annelise, Jean, Yasmina, Claudine, Dominique, Claude, Jacqueline, Françoise et Mohamed Daoud, un ensoleillé parisien de passage. Nous … Continuer la lecture

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ADN, film de Maiwenn

En « racontant l’histoire » de ce film on risque de perdre l’essentiel : une histoire algérienne où tout est inventé par des francaouis parisiens qui ont des « racines maghrébines ». Alors, amis de Coup de soleil, ce film a été fait pour nous, que l’auteure soit correcte ou non. La poésie du rap comme une mélopée. L’arrière petit fils qui hurle que le héros mort détestait les religions (l’islam pas plus que les autres) et souligne cela d’un pieux signe de croix.

La petite fille du héros s’appelle Neige : parce que dans les bagarres familiales on n’a pas pu l’appeler Nejma, l’héroïne de Kateb Yacine. Et le film est peuplé de livres bons pour le MODEL, d’images d’outre-Méditerranée, d’yeux dont on ne sait s’ils sont bleus ou noirs. On y trouve le mode d’emploi pour rejoindre le Hirak depuis Paris : quatre heures de TGV, une nuit de mer entre les deux ports de Marseille et Alger. Ceux qui soupçonnent ce film tendre et cruel de prôner la glorification d’un racisme scientifique n’ont rien compris à l’humour et au désordre joyeux. Quel plaisir de retrouver le noir de la salle de ciné !

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Jacques Ferrandez: Suites algériennes 1962- 2019

Suites algériennes 1962- 2019 (Jacques Ferrandez, Casterman, 2021, Tome I, 240 p.)

Jacques Ferrandez a entrepris une tâche plus périlleuse que de nous raconter l’Algérie coloniale et même la guerre d’Algérie : il travaillait avec le recul du temps, sur des événements largement travaillés dans toute une production littéraire et historique. Ici, avec Suites algériennes 1962- 2019, il s’attaque à une histoire en cours, jusqu’au présent Hirak, mouvement populaire sans cesse présent. Au cœur du régime algérien, la Sécurité militaire rend opaque depuis près de 60 ans la majorité des événements vécus dans ce pays, même si un kaléidoscope de flashs partiels donne une foule d’informations. Une BD n’est pas de l’histoire, mais un roman où l’image accentue l’émotion. Mais Ferrandez à travers coups de théâtre et secrets révélés se tient au plus près des femmes et des hommes d’un pays qu’il aime, qui vivent des deux côtés de la Méditerranée. Parmi tant de faits mis en scène, qui se souvient de la manifestation des femmes (8 mars 1965- p. 104), qui précède de peu le coup d’Etat qui met fin au pouvoir de Boumedienne ? Pieds noirs, pieds rouges, militaires, islamistes, sont là, sans manichéisme. Ce n’est pas un hasard si le héros du livre, Paul- Yanis, a quelque ressemblance physiques avec l’auteur… On attend avec impatience le tome II…

 

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Nostalgériades, pamphlet féministe, témoignage au plus près

Nostalgériades, Nostalgies, Algérie, jérémiades, Fathia Agag-Boudjahlat, 139 p. Ed du Cerf, 2021-05-10

Pamphlet féministe et laïc contre les jérémiades et les phantasmes « identitaires » ? Oui, par une écrivaine à la plume vive et acérée, argumentant à partir de lectures étendues, à partir de son expérience de prof d’histegeo en collège et plus encore de sa réflexion sur une vie familiale de fille d’immigrés algériens. L’anecdote de son frère entrant (pour trois jours…) en politique « RN » fait bien sûr parler d’elle (le « M » du Monde du 8-10 mai 2021), p. 24) plus que ce qu’elle dit  https://www.youtube.com/watch?v=ISJBdo7SEgk  ou écrit.

Mais c’est son Nostalgériades qu’on a lu d’une traite et aimé. Surtout ce qu’elle raconte de ses rapports avec « le bled », avec la langue qu’on y parle, avec cette famille, paroles très dures et paroles d’amour. Ce qu’elle raconte aussi de ses élèves et tout autour de cette jeunesse « créole » dont elle montre les contradictions, là aussi féroce et tendre. Quelques citations :

P. 51 La religion relève des choses reçues. Elle n’est un choix que pour les convertis, ou pour ceux qui, la pratiquant depuis l’enfance, ont opté pour une pratique plus orthodoxe […]. Elle ne peut donc engloutir à elle seule l’identité, forcément mouvante, complexe, évolutive.

P57 Le patriarcat dont on ne doit pas dire le nom

p.60 Nos parents ont été durs, violents, ils nous aimaient sans être aimants, ils se sont rattrapés en devenant de merveilleux grand-parents, s’autorisant enfin à être tendres.

P. 138 Nos parents ont emporté ce qu’ils pouvaient du bled, ont pris ce qu’ils voulaient de la France. C’est une culture vivante, en matériaux composites. Nous mêmes avons encore modifié cette culture. C’est l’essence de la créolisation […]. C’est à la fois vital et de bric et de broc.

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Thomas Cantaloube, Requiem pour une République

Thomas Cantaloube, Requiem pour une République

Un polar sur l’histoire d’une France où la guerre d’Algérie envahit l’Etat, met fin aux libertés, rend légitime les exécutions extra-judiciaires et autres assassinats. Peu de choses en fait sur l’Algérie directement, sauf à propos du Sahara, mais bien plus sur le monde du FLN en France. Dans ce Sahara, le FLN ne s’est pas implanté et en 1954 il n’est guère algérien. C’est l’Etat français qui « algérianise » ce territoire où il devient de plus en plus fort à mesure qu’il perd sa souveraineté sur les rivages non-algériens du désert (Maroc, Maritanie, Mali, etc), persuadé de pouvoir régner sur ce territoire qui a deux intérêts majeurs : des ressources d’hydrocarbures qu’on découvre peu à peu, mais aussi une immensité vide propice aux expériences nucléaires. C’est jusqu’en début 1961 que l’Etat français espère garder ce Sahara, ce qui en fait prolonge la guerre d’un an et demi, car le FLN sait lui aussi ce que vaut ce territoire vide.

Ce polar est mené de manière à ce qu’on ne puisse plus le lâcher quand on a dépassé les deux premiers chapitres. Parmi les personnages historiques mis en scène, Maître Ali Boumendjel, dont nous retrouvons la mémoire en mars 2021, grâce à la reconnaissance de son assassinat par l’Etat français, comme l’a préconisé le rapport Stora deux mois plus tôt.

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Bleu, Blanc, Brahms, Youssef Abbas

Bleu, Blanc, Brahms, Premier roman de Youssef Abbas, né en 1983, publié chez Acte Sud / Jacqueline Chambon (2019)

L’action se passe le soir de la finale de la Coupe du monde de football de 1998, dans une ville, D., située à 1h30 au sud de Paris.

Elle avance chronologiquement, de 17h30 au score final, en trois parties, centrées chacune autour d’un personnage masculin (Hakim, Yannick, Guy) et scandées par les commentaires (réels) du match à la télé. De ces trois personnages, élèves de terminale, l’un est un jeune beur, élève médiocre et plutôt chahuteur, son ami « gaulois élevé par une mère solitaire. Ils sont amis de longue date et passionnés de foot. Marianne, fille d’un architecte et d’une enseignante « de gauche » les reçoit dans son pavillon proche des HLM. Passionnée de musique, en révolte contre sa famille, prise entre les amis « de son milieu » et ses copains Yannick et Hakim. Cette soirée autour du match de foot met en lumière ce qui sépare ces deux milieux : langage, vêtements, attitudes…. Le quatrième personnage du roman habite le rez de chaussée du HLM : en pleine dérive, il écoute Brahms et se saoule au whisky méthodiquement. Mettra-t-il fin à ses jours comme c’est son phantasme ?

Écriture très maîtrisée, notations imagées et concrètes pour entrer dans la psychologie des personnages (adolescents à la veille du bac et de l’entrée dans la vie adulte, adulte seul avec son passé) et dans le quotidien d’une cité, pour assister à la rencontre hasardeuse entre jeunes bourgeois et jeunes prolos autour du match, pour sentir l’espoir des jeunes de « s’en sortir » par l’argent, l’amour ou la culture.

Le lien entre les trois personnages qui est donné au départ est qu’ils habitent la même montée d’escalier et que les deux adolescents sont des amis inséparables. C’est un lien différent entre eux qui amène le dénouement, à la 92ème minute du match (Ce lien aurait gagné à être mieux amené)

Grand plaisir de lecture, qualité littéraire certaine, originalité du point de vue, subtilité des caractères et des situations, loin des clichés attendus. Le titre est justifié, Brahms joue un vrai rôle dans l’intrigue.

A côté de « Bleu » et « Blanc », « Noir c’est Noir » s’impose.

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Anissa Bouziane :DUNE SONG

SABLES  ( DUNE SONG ) de Anissa M. Bouziane

Anissa M. Bouziane est née aux Etats-Unis d’un père marocain et d’une mère française. Elle est diplomée de l’université de Columbia à New York ( School of Arts ) puis a fait un doctorat en « Creative writing » en Angleterre ; Son premier roman « Dune Song »( Sables ) a été écrit en anglais et publié en 2018 en Angleterre, puis traduit ( très bien ) en français. Il part d’une base autobiographique  ( la partie américaine du roman ) .

L’histoire est racontée au moyen de courts chapitres intitulés alternativement New York et Maroc. L’héroine, Jeehan, comme l’autrice, vit à New York et assiste à la chute des Twin Towers le 11 septembre 2001; Tout ce qui faisait sa vie s’écroule progressivement et elle décide de rentrer au Maroc face aux réactions violentes de son entourage et sa prise de conscience de ce que c’est d’être arabo musulmane aux Etats Unis à cette période. Elle vit ce retour comme un échec.

Dans les chapitres situés au Maroc, dans le désert  du sud, elle vit un lent processus initiatique qui aboutit à une renaissance après son « baptème » dans le sable de la plus haute dune, bien loin de « Ground Zero »

Anissa Bouziane nous entraîne avec un véritable talent littéraire non seulement dans le New York angoissant d’après la chute des tours, mais aussi dans l’atmosphère glauque du traffic de migrants venant de l’afrique subsaharienne, tout en nous plongeant dans une description lyrique et poétique de ce désert de feu avec la culture et l’hospitalité traditionnelles marocaines, irriguées par un Coran poétique.

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Premier convoi: 1848

Michèle Perret, Premier convoi, 1848, Chevrefeuille étoilé

C’est un roman historique qui est très près du réel. Il parle des ouvriers parisiens révoltés des journées de juin 1848 que la police et la garde Nationale mitraille et pourchasse. Au départ, après la révolution de février, c’est la fermeture des ateliers nationaux qui donnaient du travail qui enclenchent une émeute et les barricades. Après cette répression terrible le gouvernement pourtant républicain a l’idée de se débarrasser de ces émeutiers et de leurs familles en les envoyant peupler une terre nouvelle l’Algérie. Un premier convoi de péniches part donc de Bercy le 8 octobre 1848 et traverse la France par les canaux puis par la Saône et le Rhône jusqu’à Marseille ou là ils embarquent sur un bateau en direction de la région d’Oran. Après ce long voyage plein d’espoirs et de craintes l’armée les installe à côté du village arabe de Gdyel, sous le nom français de Saint Cloud. Le pays qu’ils découvrent n’est pas celui des cartes postales qu’on leur a promis et ils vont devoir s’échiner sur une terre ingrate et dans des conditions très difficile. Beaucoup vont mourir de la malaria, beaucoup aussi, pas tellement paysans, vont abandonner la terre et rejoindre la ville…

C’est un livre simple mais bien écrit avec des personnages attachants. Qui redonne au petit peuple européen d’Algérie une partie oubliée de son histoire, celle de la fuite devant l’épouvantable misère des Espagnols ou des Maltais, mais aussi des Français, des parias, des relégués et leurs familles. Donc très loin de l’image de gros colons faisant « suer le burnous » que l’Histoire a trop souvent collé aux « Pieds noirs »

Extrait: (Pages 88 et 89) « Adieu Paris, adieu misère, adieu terreur d’être fusillé. Partons, partons pour l’Algérie, partons pour une vie nouvelle, ce qui nous y attend ne peut être pire que notre vie d’ici : l’aventure, un autre métier, un peu de bonheur peut-être. Et pour commencer, réjouissons-nous d’avoir pu échapper aux fusils de Cavaignac. »
Ils s’éloignaient de Paris, diversement acclamés sur les rives. Ils avaient été les forces vives de la nation, on leur faisait chanter qu’ils en étaient le fardeau.
C’étaient des hommes et des femmes simples et rudes, des prolétaires aux mains calleuses, des artisans, des boutiquiers, pris dans la tourmente de misère et de révoltes qui s’était emparée de la capitale, rejetés par les beaux messieurs et les belles dames qui n’étaient pourtant rien sans eux. Fusillés parfois juste pour avoir eu les mains sales, ils s’étaient faits beaux pour le jour ensoleillé où l’on se débarrassait d’eux, ils fuyaient vers les fortunes les plus diverses, charogne pour les Arabes, comme on le leur crierait parfois sur la route, quand on voudrait les humilier. Transportés. Déportés ? Avec tous les honneurs de la République.

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Beyrouk: Parias, entre Nouakchott et Sahara

Cela fait presque 14 ans qu’à Toulouse, nous connaissons Beyrouk: son livre « Et le ciel a oublié de pleuvoir » avait été présenté à la librairie La Préface, en présence de Michèle Rodary: Toulouse commençait à participer au prix annuel « Coup de coeur de Coup de soleil ». http://alger-mexico-tunis.fr/?p=2458

Et nos amis lyonnais, eux aussi, visitent régulièrement Beyrouk voir leur lettre mensuelle récente: https://www.coupdesoleil-rhonealpes.fr/lettre-culturelle-franco-maghrebine-44

Il nous donne en 2021 un nouveau roman, Parias, qui met à nouveau en scène la société mauritanienne. Vision violente, certes. Le dialogue par lettres entre un fils et son père. Le monde de ce dernier tourne entre la mine, la prison, mais aussi le Sahara: « J’appelais à moi notre vieux campement, nos pâturages rares mais splendides à mes yeux, notre vie d’hier […] quand les soucis n’étaient que ceux de la nature, l’herbe se raréfiant, la pluie tardant à venir, une chamelle perdue, le puits tarissant trop vite, l’existence de Bédoins qui voient chaque matin le soleil aller et venir sans jamais s’interroger sur la logique d’une telle errance ».

Le monde du fils tourne dans les bas quartiers de Nouakchott, où il survit grâce aux solidarités familiales, aux petits larcins. Ce roman noir est sans cesse parcouru d’éclairs lumineux où les protagonistes cherchent l’amour qui les unit.

(février 2021, Beyrouk, Parias, roman, Sabine Wespieser Editeur, 183 p.)

Cliquer pour accéder à Beyrouk.pdf

A la radio: France Inter 19 octobre « Par Jupiter » https://www.franceinter.fr/emissions/par-jupiter

En librairie, invité par Coup de soleil, en dialogue avec Georges Morin, 20 octobre

https://www.youtube.com/watch?app=desktop&v=yfor4bKePJk

C’est le 23 juin 2021, chez Habib, que nous avions appris la venue de Beyrouk en France à l’automne. C’est notre amie Bernadette Mimosa-Ruiz qui l’accueille le 8 octobre dans son enseignement à l’Université catholique de Toulouse, devant quelque 70 étudiants. [le soir même il présentera ses livres à la librairie Privat et le lendemain dans le Tarn…]. Les ouvrages de l’auteur sont présentés. Parias, le dernier, est publié en France (les précédents étaient sorties chez Elyzad à Tunis).

Sur le parcours de Beyrouk: son grand-père, d’une lignée de cheiks d’une tribu nomade, apprend à lire et écrire dans l’école de « fils de chefs » installée par le colonisateur français implanté depuis peu. Son père est instituteur à Atar et dès l’adolescence le goût de l’écriture en français le pousse à rédiger des nouvelles, publiées entre autre dans la presse locale fort limitée, ou dans Présence africaine. Son gouvernement (une Mauritanie indépendante depuis peu) l’envoie comme étudiant boursier à l’Université de Rabat pour étudier le droit. Il trouve surtout là-bas des contacts pour sa passion littéraire… et pour se sentir « révolutionnaire » en revenant dans son pays, où il exerce le journalisme avant de se concentrer sur l’écriture romanesque. Il insiste sur le fait qu’on n’est jamais obligé d’écrire, que c’est un plaisir régulier pour lui et que « boucler » un livre est un soulagement. Il nous dit qu’il est « francographe » (c’est son métier…) mais rarement francophone: il a peu d’occasions de parler français à Nouakchott où il vit.

SI Beyrouk a vécu dans la petite ville de Atar, sa famille est proche du milieu nomade, qu’il fréquente chaque année chez son grand-père en période de vacance, ce qui lui permet de se pénétrer des valeurs des campements, des silences, des immensités. C’est avec le cheikh son grand-père qu’il ressent le désert et pour cela il n’y a pas de méthode de transmission. Il s’y familiarise avec les pâturages et les troupeaux, mais il sait que l’avenir est très fragile pour les quelque 600 000 nomades (sur 4 millions de Mauritaniens), qui de plus en plus passent du statut de libres éleveurs indépendants à celui de bergers salariés, « prolétaires du désert », dépendants de gros propriétaires de bétail vivant en ville. Ce nouveau statut est vécu comme une honte. Les exigences du soin, de la scolarisation, dévalorisent un mode de vie de plus en plus ressenti comme trop rude. Un dialogue s’engage entre Beyrouk et un « ex-coopérant » en Somalie: les nomades sont-ils de plus en plus victimes d’un monde de frontières qui cassent leurs habitudes de libres pâturages, ou bien savent-ils se jouer de ces frontières dont ils sont les meilleurs transgresseurs?

Sur les valeurs libératrices de la littérature francophone qu’il pratique, il insiste sur son initiation d’élève: Voltaire et plus encore Victor Hugo dont il a lu très jeune, d’une traite, Les misérables, un livre poétique qui sort le lecteur de sa condition. Les conditions déplorables, en Mauritanie comme ailleurs au Maghreb, de la tentative d’arabisation des années 1980, n’ont pas permis l’émergence d’une littérature « locale ».

Les étudiant(e)s interrogent Beyrouk sur les grands problèmes actuels. En Mauritanie, la condition féminine, les tabous de la virginité, sont peut-être moins rigides que dans d’autres pays musulmans, sans doute parce que les sociétés nomades sont à ces sujets plus ouvertes que celles des villes. Au parlement, comme dans les communes, des quotas féminins sont aménagés et respectés dans le système électoral. Le djihadistes est certes un problème très présent, mais pour lui plus qu’un problème religieux, c’est un refuge qui permet de se cacher quand on se sent marginal ou trahi.

15 octobre (de Michèle Rodary) …Les élèves du lycée de Pézenas ont beaucoup apprécié la rencontre avec Beyrouk. La documentaliste me communique qu’ils ont lu un texte lors de l’hommage à Samuel Pathy avec leur professeure Anne Vayssiere.
L’extrait lu par un élève: [12/10] Vayssiere Anne: « Mon père était instituteur à l’école coloniale. Il enseignait le français : il aimait beaucoup cette langue. Il pensait que le français peut être une arme de liberté. Bien que francophile, il était farouchement anticolonialiste. C’est cela qui m’a façonné. Pour parler du premier livre en français que j’ai lu, il m’a offert un livre de Victor Hugo. C’était « Les Misérables« . Ça m’a passionné. Je suis sorti de ce livre avec une passion pour la langue française et pour Victor Hugo en particulier ? Cette passion ne m’a pas quitté. …Il pensait que quand on a lu Voltaire, on ne peut plus être un esclave »

Et puis nous retrouvons le roman antérieur de Beyrouk, Je suis seul, grâce à Youtube (2018) https://www.youtube.com/watch?v=v3YRZOqyevA

Puis une entrevue pour un autre livre, en octobre 2021: https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/mauritanie/livres-beyrouk-redonne-ses-lettres-de-noblesse-au-sahara_4815973.html

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Casablanca: Aussi riche que le roi

Aussi riche que le roi, Abigail Assor, Gallimard 2020, 207 p.

Chant d’amour dans une Casablanca dont l’auteure remémore la douceur et la violence. Pamphlet sur un Maroc où le règne du pouvoir et de l’argent est immense. C’est dans les odeurs et les couleurs où s’immerge le lecteur que se tressent les relations intimes entre riches et pauvres, vieux et jeunes. Les pyramides du Maroc : famille royale, Fassis, milliardaires de Casablanca. Mais en bas ça grouille et ça n’obéit pas.

« Au milieu de la cabine, le combiné poisseux glissait entre les mains de Sarah « c’est moi ». Driss ne dit rien. Entre eux, pendant de longues secondes, il ne reste que le bourdonnement métallique de la communication téléphonique. Alors elle se lança. Et elle lui demanda : est-ce qu’on sort ensemble, maintenant ? Il répondit : oui d’accord. Elle lui proposa de le rejoindre chez lui et, après un silence, il accepta. […] Sarah rejoignit Kamil et la décapotable. Il la déposa à Anfa Supérieur, devant la plus belle villa de tout Casa.[…] (p. 93)

« Au gouvernement, dans le palais royal, à la tête des grandes entreprises, il n’y avait que des Fassis, exclusivement des Fassis ; et si par hasard un homme d’une famille quelconque acquérait du pouvoir, ce pouvoir était toujours moindre par rapport à son homologue fassi, c’était mieux qu’être riche […] Génération après génération, les enfants de Fassis devenaient eux-mêmes ministres et hommes d’affaires. Il n’y avait rien de pire, Sarah le savait très bien, qu’un Fassi qui diluerait son sang dans une union avec un roturier. Driss était fassi. » (p. 143)

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