Diversité des pratiques politiques, par-delà l’Etat-nation

Diversité des pratiques politiques dans le monde, par-delà les lectures normatives de l’Etat-nation

Les compositions étatiques actuelles incorporent dans le modèle de l’Etat-nation les réalités sociales issues des Etats pré-modernes (Asie, Europe), des empires coloniaux (Amérique, Afrique, Asie), de la guerre froide. Il en résulte une diversité dans la vie quotidienne des citoyens bien plus grande que ce que décrivent les politologues à partir de l’histoire de l’occident et de ses systèmes politiques modernes

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La géographie politique, plus que d’autres branches de la géographie humaine, est restée tributaire des disciplines où elle a puisé ses concepts et ses données : relations internationales, science politique, droit public ou statistique électorale. Si la géographie française a pris à bras-le-corps précocement les réalités des économies et des sociétés rurales, puis plus tard des mondes urbains, les thèmes de la politique restaient longtemps tabous. Le cadre politico-administratif restait une donnée extérieure. Alors que naviguer entre le politique supra-étatique et le politique infra-étatique permet d’éviter de désincarner le niveau étatique, traiter selon les mêmes critères tous les Etats souverains est un travers qui guette aussi bien les juristes et politologues puisque les matériaux qu’ils traitent sont des textes juridiques, que les économistes puisqu’ils s’appuient d’abord sur un matériel statistique normalisé internationalement, loin des pratiques sociales locales dans les deux cas.

Interrogeons la littérature francophone de géographie politique : pourquoi parle-t-elle plus de la politique que de ce qui dans l’espace terrestre humanisé implique précisément le politique ? Mes lectures oscillent entre deux pôles : parler de l’histoire des pays du monde (Claval 1978, 1994, Raffestin 1995), décrire les instruments de la science politique et de ses annexes (Raffestin 1980, Lévy 1994, Bussi et Badariotti 2004, Rosier 2007, Claval 2010, Atlante 2011, Cattaruzza et Sintès 2011). A la fin de la présente étude vous trouverez des notes critiques sur ces auteurs francophones. Ce que j’ai trouvé en italien ou en espagnol diffère peu des textes analysés ci-dessous. La production anglophone et germanophone (que je domine mal) me semble largement reprise par les textes que j’ai lus. Tout se passe comme si le politique restait étranger à la description des sociétés dans leur espace. Sans doute parce que dans cette incorporation du politique à l’étude de l’espace, ce qu’est le contenu du politique reste implicite : une gestion quotidienne de territoires locaux ? des élections au sein de circonscriptions administratives ? des formations sociales historiques de toutes tailles et de toutes natures avec leurs frontières ? Les études de Nicolas Ginsburger (« Géographes actifs, géographie politique : portraits comparés et croisés de Wolfgang Hartke et Jean Dresch au milieu des années 1950 », Espace géographique 4- 2015, tome 44, p. 349- 360) permettent de penser que les géographes ont abordé le politique principalement depuis leur souci de mener une « géographie active » d’aménagement de territoires, qu’il s’agisse de politique internationale au moment de traités, de gestion interne d’Etats de toutes natures (des empires aux Etats-nations surtout), d’aménagement beaucoup plus banal au sein des administrations locales ou régionales. Quelle est la diversité des conditions locales de participation à la vie politique pour les citoyens ou sujets à travers le monde (nous utilisons ci-dessous le terme citoyen pour désigner les populations des Etats du monde, quel que soit le régime politique, monarchie ou république, démocratie ou autocratie) ?

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Le panorama que nous esquissons ci-dessous se joue dans un cadre géopolitique sous-jacent, très important pour la vie quotidienne des citoyens, mais rarement mis en avant parce que c’est politiquement incorrect : les liens de fait actuels entre Etats souverains, puisque tous le sont… formellement. Certes il existe nombre d’unions formelles (OTAN, Fédération de Russie, Europe communautaire, OUA, etc…). Mais souvent sont plus forts encore les liens entre ex-ennemis inégaux (Irlande/ Royaume uni, Algérie/ France), entre ex-colonie et/ ou protectorat et métropole.

Mon intérêt pour cette géographie politique du monde privilégiait initialement le « Tiers-Monde », pour deux raisons : d’une part je croyais dans les années 1955- 1982 que les changements fondamentaux, réformiste ou révolutionnaire, surgissait hors des deux blocs de la guerre froide (monde soviétique et monde occidental bloqués face à face). D’autre part, dans l’étude de ce Tiers-Monde, j’étais attiré non pas par les mécanismes économiques mais par l’immense variété des situations socio-politiques, locales, régionales ou « nationales », grâce à mes lectures de textes d’anthropologie à propos du Maghreb, puis de l’Amérique latine. De l’Afrique non maghrébine, de l’Asie et de l’Europe, je n’avais qu’une connaissance rudimentaire.

Les occidentaux, surtout européens et plus encore Français, croient pouvoir ériger en modèle universel celui de l’Etat-nation. Cela peut marcher pour des formations sociales où convergent diverses cohérences : un territoire et une population de tailles considérées comme « moyenne », longtemps assez stables. Cette population, largement scolarisée, fait usage d’une écriture pour une langue parlée dont elle considère qu’elle lui est propre, peu partagée avec d’autres populations. On évite de regarder si une religion lui est particulière. Or c’est un facteur de cohérence[1] aussi bien pour des monarchies du nord européen- luthériennes, que pour des républiques de l’est européen – orthodoxes, sauf la Pologne catholique. A l’intérieur de ces unités confortable, on se penche sur des particularismes locaux et régionaux. Or seule une minorité des populations du Monde vit sous un tel régime : partir de la diversité du monde plutôt que d’un modèle inopérant aidera à comprendre la diversité des pratiques des citoyens dans leurs territoires.

Diverses sources permettent d’esquisser un panorama mondial des Etats réels, loin de ce modèle de l’Etat-nation. Le n° 3- 2014 de l’Espace géographique nous donne deux articles qui se répondent sur ce sujet. Sylvain Kahn nous montre comment l’Europe, patrie du modèle « état-nation », vit sur la fiction d’une fédération / confédération d’états-nation « semblables » créatrice d’un Etat-nation supérieur commun qui reproduirait le modèle. A partir de deux modèles (France et Allemagne) les Etats européens réels sont très divers. Dans cette diversité il aurait pu ajouter que certains Etats n’ont jamais été souverains avant d’appartenir à l’Union Européenne, ou très fugitivement. Il montre que l’Etat fédéral européen a réellement une série d’attributs de souveraineté « mutualisée », mais à géométrie variable (appartenance à l’euro, à l’espace de Schengen, espace des candidats à l’entrée dans l’UE, dérogations temporaires accordées à des Etats membres pour leur éviter d’appliquer des lois européennes). Le suspens du « Brexit » au début de 2017 consiste à savoir si le Royaume Uni va rester un « état-nation » et si sa séparation d’avec l’Europe sera minimale ou maximale. Regardons cela sous l’angle de vue des citoyens qui appliquent ou subissent ces lois, se déplacent au sein de l’Union, payent leurs impôts, s’unissent pour porter une affaire devant la cour de justice de Strasbourg, etc. De profondes différences séparent les vies quotidiennes dans ces pays européens, selon les législations et règlementations de chacun. Par exemple y être élève ou étudiant dépend d’usages linguistiques (part de l’anglais, de la langue nationale, de langues régionales), de pratiques religieuses (dans l’écoles ou non, enseignement d’une ou de plusieurs religions, rapport de la science et du créationnisme), du niveau de l’autorité prédominante (les parents d’élèves, la ville, la province, l’Etat central).

Le livre de V. Rey, L. Coudray de Lille y E. Boulineau, L’élargissement de l’Union européenne : réformes territoriales en Europe Centrale et Orientale, Paris, l’Harmattan, 2004, 246p. est un bon révélateur de ce que sont les disparités réelles au sein de l’Europe. Son point de départ est la naissance ou la renaissance à partir de 1989 d’organes administratifs élus après l’effondrement des régimes de parti unique. Au niveau de base (municipal), la tendance principale fut l’affirmation d’un désir d’autonomie locale, qui a entraîné souvent la multiplication des unités communales. Mais parallèlement cette même autonomie municipale retrouvée a dévolu aux communes des tâches de fonctionnement décentralisé de services publics, ce qui pousse à des regroupements pour des communes de taille suffisante pour gérer des services de type urbain (eaux et égouts, collecte moderne des ordures).

Au niveau provincial, l’essentiel des réformes a cheminé vers de grandes unités, mais avec des politiques indécises à ce sujet dans presque tous les pays. Cette indécision est due à ce que les élites provinciales restaient très accoutumées à rechercher leur pouvoir et leurs ressources du côté des pouvoirs nationaux, et que ceux-ci se défient du poids politique de grandes provinces, parce que dans presque tous les pays d’Europe centrale et orientale se posent des problèmes de minorités ethniques capables de mettre en péril l’unité nationale, en se servant des grandes provinces comme d’instruments pour obtenir leur autonomie, si non une indépendance. Si bien que la force principale qui a poussé à la création de ces grandes provinces a été l’Union Européenne. A l’intérieur de celle-ci le modèle de la grande province à forte autonomie fonctionne en Italie, en Espagne et surtout en Allemagne, dont les Länder représente un puissant exemple. Et le principal argument de l’Union pour susciter les réformes administratives en Europe orientale est le marchandage entre démocratie locale et aide financière pour moderniser les infrastructures, aide fournie précisément au niveau provincial. D’une certaine manière, la décentralisation administrative démocratique d’Europe orientale se fait pour la faire voir aux Allemands. Pas de doute que les études de géographie politique de ce type permettent d’aborder des thèmes fondamentaux pour l’aménagement territorial, et particulièrement pour connaître mieux les élites locales et régionales et leurs modes de fonctionnement.

Le second volet de géographie politique du n° 3- 2014 de l’Espace géographique nous est donné par Michel Bruneau à propos de l’Asie. A bien des égards sa description, qui englobe le Moyen et Proche Orient, vaut pour l’Afrique du Nord. Ses coups de projecteur éclairent particulièrement les situations de deux « Etats-nations » créés sur les fondements de formations politiques impériales « pré-modernes », l’Iran et la Turquie. Il montre que cette dernière s’est formée « difficilement » sur les ruines d’un édifice immense et très complexe, l’Empire ottoman, alors que le premier a hérité « avec bonheur » d’un système beaucoup plus stable.

Sa description est centrée sur l’Asie entre Chine et Inde, mais aborde largement les situations de ces deux pays. Il nous donne une typologie des Etats pré-modernes de ces zones (cités-états, empires centralistes, « états- mandala » (c’est-à-dire formations politiques associant un « centre du monde » politico-religieux à des cercles concentriques allogènes, dont le Siam/ Thaïlande est le prototype : Bruneau avait amorcé cette réflexion voici longtemps : voir « Mode de production et organisation administrative de l’espace : le cas de la Thaïlande », p. 121-136, Etat, pouvoir et espace dans le Tiers-Monde, C. Bataillon coord., Paris, PUF Tiers-monde- IEDES, 1977.) Il conclut que les Etats actuels de cette région du monde, à travers le siècle colonial, héritent largement des formations politiques précoloniales. Notons qu’au contraire les Etats des continents américain et africain, malgré des récupérations innombrables de « souvenirs » de formations politiques précoloniales (les noms du Mali, Ghana, Burkina, Bénin, etc. pour l’Afrique, comme les imaginaires aztèque ou inca en Amérique), sont héritiers presque exclusivement de découpages forgés par les administrations coloniales elles-mêmes.

Bruneau montre tout ce qui pousse vers le modèle de l’Etat-nation en une multiplicité de notations qui permettent de comprendre ce que pourrait être une géopolitique du quotidien : les bricolages qui unissent des populations autour d’ethnies, de langues, de religions, d’écritures. On apprend par exemple ainsi que la langue écrite et parlée malaise a été créée par l’administration coloniale néerlandaise, outil pour le futur Etat indonésien. Comme en Afrique ou en Amérique Latine, l’élève ou l’étudiant doit travailler dans plusieurs langues, ici aussi souvent dans plusieurs écritures. Le statut « coutumier » de terres non privées est à la fois héritage ancien et héritage du communisme.

Bruneau ne laisse de côté que l’Asie russe : en effet l’Etat souverain le plus vaste du monde, Empire russe devenu Union Soviétique, puis réduit à la Fédération de Russie actuelle, ne relève d’aucun « modèle » rencontré ailleurs, par son mode de colonisation des territoires, de négociation/ imposition / tolérance pour les minorités vis-à-vis de la langue russe et du christianisme orthodoxe, éléments centraux du système russe. La Russie est une forme extrême d’occupation de territoires très peu peuplés, où sur des populations « faibles » s’exercent des mélanges très divers de domination indirecte, d’incorporation par conversion de « païens » à une chrétienté orthodoxe, tolérante en fait de ces paganismes. Quand elle pratique une administration directe militaire ou civile, elle implante des structures modernes par les enseignants et ingénieurs. Mais elle a pratiqué aussi une domination indirecte par des partis « frères » sur des pays alliés soit sur le long terme (les ¾ de siècle du système soviétique), soit sur le plus court terme du demi-siècle de guerre froide en Europe orientale, tout comme en Mongolie mais aussi pour un tiers de siècle à Cuba. Ce système est soviétique pour l’essentiel, mais antérieurement (pour parfois plus de trois siècles), il est constitutif de l’Empire russe depuis le 17e siècle. Il reste un idéal pour la gestion « souple » des Etats non-russes au sein de la Fédération de Russie. Les Russes (à la différence des autres ex-colonisateurs) sont majoritairement persuadés que les ex-peuples de l’Union soviétique ont vocation à vivre dans une patrie commune, à moins qu’ils ne trahissent cette patrie, sorte de paradis perdu de stabilité et de sécurité. Les Russes ne sont pas des « conquérants » comme d’autres parce que le pouvoir à l’origine de cette conquête utilise des « colons » spéciaux : les expulsés politiques, des forces armées particulières, les Cosaques.

Le caractère polymorphe de ce système impérial est unique au monde, à l’opposé des systèmes de colonies lointaines commandées par mer dont le prototype est britannique. A moyenne échelle la conquête de l’ouest et du nord dans le bloc Etats-Unis / Canada, la conquête de l’Australie depuis le sud-ouest, la conquête du sud plus que du nord de leurs territoires « nationaux » par le Chili ou l’Argentine peuvent être comparées formellement à l’expansion russe, mais dans des systèmes où les populations locales sont éliminées assez rapidement, ce que n’a pas fait l’empire russe.

Les continents américain et africain ne sont pas traités non plus dans ce n° 3-2014 de l’Espace ; l’un et l’autre ont été découpés très rapidement en états-nations post-coloniaux, le premier vers 1770 / 1830, le second vers 1950- 1970. L’héritage de systèmes coloniaux assez récents y est essentiel. En Amérique, deux Etats-empires sont restés unitaires, le Brésil et les Etats-Unis. Ces derniers ont une diversité bien moins grande que les Etats européens, mais on oublie que les modalités de vie des élèves ou étudiants, comme la gestion des terres non privées (immenses), sont loin d’y être homogènes. En Amérique Latine le modèle de l’Etat-nation a été largement fictif jusque vers 1930, pour forger des nations à travers des régimes autoritaires populistes souvent militaires, les armées servant d’armature intérieure et de lieu de formation des cadres politiques et non pas de garants de la souveraineté territoriale, assurée en fait par les puissances européennes relayées peu à peu dès le début du Xxe siècle par les Etats-Unis. Depuis les années 1930, l’état de droit pour des classes moyennes urbaines en très forte croissance s’est peu à peu établi, aboutissant un demi-siècle plus tard à la généralisation de régimes démocratiques de moins en moins instables. La revendication citoyenne à « avoir des droits » (Terme utilisé par Marilena Chaoui (1989) dans sa communication orale (« A quand la démocratie au Brésil », p. 185-203, dans Quel avenir pour la démocratie en Amérique Latine, Toulouse, CNRS, 248 p., 1989) s’étend et on pourrait décrire tout cela sous l’angle de vue des citoyens qui appliquent ou subissent des lois, se déplacent au sein d’un continent largement perméable, payent leurs impôts. En se souvenant que des « indigènes », parfois majoritaires dans certains pays, ont des rapports différents de ceux de leurs concitoyens à la langue nationale, à l’école, à la religion, à la possession des terres non privées. Cet ensemble s’appelle Amérique Latine et il est le doublet du couple Etats-Unis/ Canada, deux Etats formés réellement bien antérieurement sous certains aspects, assurant vis-à-vis de l’Amérique Latine un rôle supranational comparable à celui de l’Union Européenne sur ses anciens territoire coloniaux.

En Afrique « au sud du Sahara », le processus post-colonial est formellement comparable à celui de l’Amérique Latine : découpage d’Etats, formation d’élites en partie au sein d’armées proclamant la cohésion nationale, sans fonction de protection des territoires nationaux, celle-ci étant assurée par le consensus des Etats-Unis, de la France et du Royaume Uni, développement de noyaux de classes moyennes surtout dans des villes à croissance très rapide, qui portent des revendications citoyennes. En comparaison de l’Amérique Latine, l’homogénéisation réalisée par les systèmes coloniaux est beaucoup moindre : les langues précoloniales, non écrites, restent langues d’usage partout, même si elles sont recouvertes par les langues écrites reprises par radios et télévisions (anglais, français, portugais). Les particularismes liés à ces langues précoloniales ne s’estompent pas. Alors que l’Amérique a connu des christianisations généralisées, l’Afrique voit coexister des animismes, des islams, des christianismes dont les Etats se servent politiquement dans des contextes souvent instables, là où les Etats latino-américains ont pu hériter d’une stabilité catholique établie durant plusieurs siècles. Dans toute cette Afrique, des citoyens appliquent ou subissent des lois, se déplacent au sein d’un continent largement perméable, commencent à peine pour des minorités croissantes à envisager de revendiquer des droits. Dans ces pays, être élève ou étudiant relève de possibilités fragiles, très différentes selon les Etats et au sein de ceux-ci. La gestion coutumière de sols dont la privatisation est incertaine impose des règles, mal connues de l’extérieur, tant pour les forêts, pâtures, cultures, que au sein des villes.

 

Bibliographie

Bataillon, Claude, « Pour une géopolitique du quotidien : prendre en compte les pratiques sociales et culturelles comme codes politiques », géohumeur, Espace géographique, 2017-1, p. 79-85 [ce texte « fait corps » avec le présent article dont il est l’illustration concrète]

Bataillon, Claude, Organisation administrative et régionalisation en pays sous- développé, L’espace géographique, Vol III, N°1, 1974, p.5-11.

Bataillon, Claude, Etat pouvoir et espace dans de Tiers Monde (coordinateur et co- auteur), 1977, Paris, PUF. ( trad. italienne: Stato, potere e spazio nei paesi del terzo mondo, introd. P. Coppola, Franco Angeli Editore, 1981). En particulier chapitre de Michel Bruneau.

Bataillon, Claude, « Découpages territoriaux en Amérique latine : autour du Mexique, réflexions sur les Etats et municipes mexicains, travaux des années 1990 », 8 p. in CEDEROM Frontières, territoires et pouvoirs en Amérique Latine, 20-21 juin 2005, Credal, à Jean Revel Mouroz. [Repris dans MC Robic, JL Tissier, Ph Pinchemel, Deux siècles de géographie française, une anthologie,, CTHS 2011, p. 494- 499.]

Bataillon, Claude, Espace géographique, CR de Stopani, La production des frontières [à propos de l’histoire du Minas Gerais au Brésil et du mécanisme de création de communes], 2010, p. 285-6

Brunet, Roger, Espace géographique, 2015-1, p. 73-80, Les mots de la géographie, « Nouveaux cantons en France : jeux de noms ».

Marcel Hénaff, Esprit, n° 402, février 2014, dossier « La corruption, maladie de la démocratie », article « le don perverti », p. 45- 56. L’auteur nous donne la carte mondiale de la corruption et explique ses relations, à diverses échelles, avec le maintien partiel de sociétés « traditionnelles ».

 

Notes de lecture

Ces fiches de lecture m’ont servi à « réagir », pour réfléchir à une géographie politique du quotidien.

Géographie des conflits, Clés-concours, géographie thématique, Atlante 2011. Collectif sans nom d’auteur en couverture. Des régions « chaudes » du monde et des « causes » de conflits (écologie, eau, hydrocarbures, drogues, etc.) : des flashs localisés plus que des analyses de rapports entre territoire et population dans le quotidien politique.

Agnew, Mamadouh, Secor, Sharp editors, Political geography, Wiey Blackwell, 2015. 37 chapitres + un index composé à 80 % de « concepts » (le reste des entrées concerne des lieux ou des personnages). Des discours sur les concepts classés en quatre parties, sans décrire à peu près aucun lieu concrètement. 1= Les grands concepts géopolitiques (frontières, échelle, territoire, souveraineté…) 2= les problèmes de société (femmes, protection des enfants…) 3= les formes du politique (empires, Etats, élections, région, religiosité, sexe) 4= les contenus (ressources, populations, finances, environnement). Les très nombreux auteurs de cette encyclopédie abordent tous les faits sociaux sans que ni l’espace ni le politique ne servent de cadre spécifique.

Bussi Michel et Badariotti Dominique, Pour une nouvelle géographie politique, territoire, démocratie, élections, Anthropos, collection villes/ géographies, 2004, 300 p. Un livre entièrement centré sur l’ensemble vote/ démocratie/ organisation électorale et statistique électorale. Le substrat social du politique n’apparaît pas : ce serait la variété du politique dans le monde.

Cattaruzza A. et Sintès P, Géographie des conflits, Bréal Capes- Agreg, 2011. 1= Comprendre (accroches destinées au futur fonctionnaire et au futur enseignant d’instruction civique et morale) 2= Recherche (Etats, entre Etats, exemples en ville et en ruralité). Bien peu d’analyses des rapports entre territoire et population dans le quotidien du politique.

Claval, Paul, Espace et pouvoir, 1978, PUF, collection « Espace et liberté », 257 p. Une encyclopédie des textes sur le pouvoir, par catégories logiques, puis historiquement, puis encore dans les grandes catégories du monde contemporain des années 1950-75 (pays libéraux/ pays totalitaires incluant les dictatures du tiers monde, puis relations internationales). Très peu de géographes parmi les auteurs cités (Gottmann, Gourou, Guichonnet, Raffestin, Sautter, Siegfried).

Claval, Paul, Géopolitique et géostratégie, La pensée politique, l’espace et le territoire au Xxe siècle, 1994, Fac géographie, F. Nathan, 189 p. L’auteur s’est focalisé sur les Etats et Empires et il puise dans les sources qui parlent de la force de ceux-ci. Il remonte à 1940 pour décrire l’équilibre du nucléaire, et pour le reste parle de la fin du Xxe siècle. Dans ce contexte, les guérillas sont des déstabilisations des Etats plus que des luttes intra-sociétales. De même l’effondrement du bloc soviétique est la déstabilisation d’un Etat, sans que sa cause principale ne soit mise en scène : le surgissement d’un impératif des droits de l’homme, fait nouveau pour les 4/5e des citoyens de la planète. En bref il décrit des formes politiques étatiques plus que des situations de pouvoirs-sur-du-territoire.

Claval, Paul, Les espaces de la politique, A. Colin, 2010, 410 p. Ouvrage beaucoup plus analytique que les « récits historiques » de ses deux livres antérieurs. Des faits socio-politiques puisés dans les sciences politiques et la sociologie, pris dans une histoire de l’humanité.

Lévy, Jacques, L’espace légitime, sur la dimension géographique de la fonction politique, Presses de la Fondation Nationale de Science Politique, 1994. Recherche pour théoriser l’interface entre le politique et les territoires, en s’appuyant presque exclusivement sur les sociétés urbaines européennes et accessoirement celles de l’Amérique du Nord. L’étude de cas de l’espace politique du Parti Communiste Français et de ses réseaux électoraux s’appuie sur des vues concernant l’ex-Union soviétique et l’ex-Yougoslavie au moment de leurs désintégration, alors que les autres mondes « exotiques » ne sont pas traités.

Raffestin, Claude, Pour une géographie du pouvoir, préface R. Brunet, Litec 1980, 249 p. La préface de Brunet critique la géographie politique sans acteurs et montre que c’est « l’aménagement » qui a conduit les géographes à s’intéresser aux acteurs. Il insiste sur l’intérêt que Raffestin porte aux autres niveaux que l’Etat (firmes, etc.), sur sa critique des « ressources » (naturelles…), sur son approche des territoires, des cultures, des « différences ». En somme une anthropologie très variée des jeux de pouvoir. Un livre précieux sur les manières d’agir des puissants dans tous les domaines. Très peu de cas montrés concrètement à l’échelle du local et des usagers. Certes Raffestin a lu le texte de Bruneau (1977) et il s’intéresse à l’actualité brulante de l’époque (Afrique du Sud, Khomeini en Iran), mais son horizon principal est l’urbain « moderne » de la France et de la Suisse.

Raffestin, Claude, [avec la collaboration de Dario Lopreno et Yvan Pasteur] Géopolitique et histoire, 1995, Payot- Histoire, 330 p. Un vaste panorama d’histoire internationale des grandes puissances à la lumière des politiques territoriales, avec une analyse très poussée des fascismes, nazismes et autres régimes autoritaires européens. Le reste du monde (Europe du nord, France, Etats-Unis, pays « en développement ») reste dans l’ombre. L’auteur montre le point de vue des Etats, pour le critiquer. Les situations spatiales au niveau des citoyens ne sont pas le but de l’ouvrage.

Rosier, Stéphane, Géographie politique et géopolitique, une grammaire de l’espace politique, Elypse éditions, 2007, 422 p. Une grammaire très analytique pour les principaux chapitres (territoires, lignes, pôles), puis les dynamiques (fusions/ scissions), les acteurs, les symboles (richesse/ pauvreté). Chaque fois un concept et un exemple isolé, à peu près aucune situation spatiale concrète.

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Notre réflexion devra aller plus loin : Nous regarderons ce qu’est la géopolitique au quotidien à propos de l’heure, des langues et alphabets, des morts…, des hymnes nationaux et autres pratiques rarement considérées comme politiques (voir article cité en bibliographie, Espace géographique, 2017).

 

 

 

 

 

 

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