La Christiade / Cristiada: deux films, au Mexique

La Christiade / Cristiada: deux films face à la politique

 

image du film de Matias Meyer

image du film de Matias Meyer

Le Monde nous a donné en janvier 2013 une page sur Jean Meyer, rappelant que ce franco-mexicain avait ouvert des voies improbables en 1965 au Mexique : une histoire de la chouannerie mexicaine des années autour de 1930 en même temps qu’une ouverture vers une histoire tirée des récits des survivants de cette époque, puisque ni les archives de l’Eglise ni celles de l’Etat ne lui étaient ouvertes sur ce sujet. L’histoire orale débutait à peine à cette époque, sans lettres de noblesses. On sait que Luis Gonzalez a donné à Jean Meyer les moyens de travailler sur la Christiade, grâce à quelques carnets d’adresse. On peut supposer que Jean Meyer a conforté Luis dans un projet d’histoire orale de San Jose de Gracia qui a vu le jour en 1968, année où Jean a dénoncé dans la revue Esprit la répression des mouvements étudiants au Mexique, ce qui l’obligeait à quitter le pays… pour y revenir durablement auréolé de son livre La Cristiada, best seller à partir de 1973/ 1975 (trois tomes).

"el gringo", un des héros du film Los ultimos cristeros

« el gringo », un des héros du film Los ultimos cristeros

 Son plus jeune fils, Matias Meyer, nous présente à Paris (Centre Pompidou) en janvier 2013 un film, Los últimos cristeros, dont l’exigence et la sobriété sont impressionnantes. Il raconte dans sa présentation au public comment, plus que la religiosité des cristeros, il a voulu montrer l’immersion de ces paysans rancheros dans les maquis (matorales) des montagnes où ils se sont réfugiés. Les bruits et la lumière, la végétation d’épineux, les sentiers à peine tracés : c’est comme si l’on respirait les odeurs de ces brousses sèches. Il a sélectionné, nous dit-il, dans un village, ceux à qui il a appris à jouer le rôle de leurs grands parent, réapprenant les caches et les bivouacs, l’usage du briquet à silex, les vieilles pétoires, les réveils dans la brume. C’est aussi, bien sûr, l’histoire politique d’une poignée d’irréductibles sans espoir.

dans le matorral, avec les cristeros

dans le matorral, avec les cristeros

Dans le public, une commentatrice veut y voir la lutte d’ «indiens » (les acteurs sont souvent bien bruns en effet) contre les supposés oppresseurs « blancs » du gouvernement (qui ne sont jamais montrés). Matias Meyer répond simplement que le plus souvent cristeros et « federales » appartenaient aux mêmes familles… Rappelons qu’il en est de même, une génération plus tard, pour les familles algériennes dont un fils est au maquis du FLN et un autre incorporé dans les harkis. Et l’on sait que les rancheros de l’ouest mexicain se considèrent comme des blancs chrétiens, quelle que soit la couleur de leur peau, et que la christiade a traversé toutes les couches rurales de quinze états fédérés du Mexique.

Un film de la lenteur du monde rural, hors de l’espoir, pour que cet espace tenu à l’écart de l’histoire mexicaine ne se perde pas.

Ce film intimiste « répond » à la superproduction sortie en 2012, aux Etats-Unis et au Mexique, Cristiada / For graether glory, La guerra cristera y el conflicto en México por la libertad religiosa.

affiche de la superproduction

affiche de la superproduction

La version francophone de wikipedia avance que le film ne sortirait pas en France parce que le groupe de pression anti-catholique français lançait à ce moment le projet de loi légalisant le mariage homosexuel. Les commentaires sur le film de ceux qui voudraient le voir en salle argumentent que les francs maçons et leurs alliés en ont empêché la programmation, alors qu’il traduit la vérité historique énoncée dans les trois volumes de Jean Meyer.

Ces commentaires vont bon train : « Attention ! Ce film n’a pour but que montrer une image manichéenne, partielle et peu rigoureuse de ce qui s’est passé au Mexique fin des années 20. Ce n’est pas coïncidence que ce film va sortir au moment où au Mexique il y aura une élection présidentielle et que la droite cherche tous les moyens pour se maintenir au pouvoir – outre la visite en quelques jours du Pape Benoît XVI au Guanajuato, berceau des cristeros et site des organisations d’extrême droite mexicaines. Aux intéressés au conflit des cristeros, je conseille la lecture des livres sur l’historie du conflit, au lieu de voir le film. » Réponse « 
C’est marrant de voir que dès lors qu’un film à grand spectacle n’est pas anti chrétien, de gauche et sexuellement douteux, on le trouve manichéen. Pourtant, l’histoire des cristeros est bien réelle et ce sont des martyrs… On pourrait faire un film équivalant en France avec les chouans, mais bon l’apologie de la chrétienté ne doit pas être assez vendeur pour vous. »

En fait il semble qu’aucun pays européen n’a programmé le film… peut-être par manque d’intérêt pour un thème exotique mexicain qui ne fait vibrer personne. Epilogue en mai 2014: le western spaghetti  anglophone Cristeros est programmé dans six salles à Paris, après quelques programmations dans d’autres pays européens. La polémique continue entre ceux qui font de cette superproduction sans aucune épaisseur historique une « vérité » manichéenne de la gloire de l’Eglise catholique mexicaine et ceux qui noircissent aussi simplement la même église « grand propriétaire foncier » (en oubliant la nationalisation des biens du clergé réalisée par la réforme et par Porfirio Díaz). Le film est « bien fait » en ce sens qu’il est bien filmé avec de bons acteurs, pour décrire une société mexicaine où les paysans ou les soldats (« fédérales ») n’apparaissent à peu près pas.

 

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