Guerre d’Algérie des intellectuels

L’exposition organisée par l’Institut Mémoire de l’édition contemporaine (IMEC, Caen, Abbaye d’Ardenne, 16 juin- 14 octobre 2012) a commencé avec le lancement d’un gros livre – catalogue (Catherine Brun et Olivier Penot-Lacassagne, Engagements et déchirements, les intellectuels et la guerre d’Algérie, Gallimard/ IMEC, 255 p.)

Nous décrivons aussi (posté sur ce blog en décembre 2012) l’exposition « Paris en guerre d’Algérie », mais aussi antérieurement celle du musée de la Porte dorée à Paris (posté sur ce blog en novembre 2012), celle du Musée des Invalides à Paris (posté le 19 juin 2012 sur ce blog)  ).On y retrouve, pour ceux qui ont connu cette période, la «déchirure » dont beaucoup parlent en cette année d’anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie. Comme une exposition, le livre est à parcourir de multiples façons, riche de quelque 500 documents souvent inédits, identifiés et répertoriés (quelque 400 personnages et une centaine de périodiques) : lettres, photos, coupures de presse, tracts, brochures, revues, livres. Rétrospectivement, les intellectuels, engagés d’un bord ou de l’autre, ont eu bien peu de prise sur la politique française réelle : comprendre que l’appartenance de l’Algérie à la France n’allait pas de soi, puis qu’elle devait prendre fin, puis que pour cela n’existait qu’un interlocuteur pour une négociation inévitable, le FLN, n’avait de sens que pour une poignée de gens, intellectuels certes, mais qui de plus avaient des contacts avec l’Algérie réelle et ses populations. C’est l’opinion internationale, le mécontentement du contingent des appelés face au service militaire, les louvoiements des gouvernements français, l’extrémisme suicidaire des leaders pieds-noirs qui ont retourné une opinion jusqu’à la paix.

Parmi la piétaille concernée par la guerre, qui se souvient de l’appel pour une paix en Algérie des 481 français vivant au Maroc au printemps 1959, qui en garde le texte, la liste des signataires publiés dans la presse marocaine ? Parmi ces 481, un seul, symboliquement, fut châtié parmi les fonctionnaires français, Raymond Jean (1925-2012), directeur du Centre culturel français de Casablanca et écrivain, alors que les très nombreux enseignants signataires ont continué leur métier, leurs querelles internes et leur lutte toute virtuelle contre les milieux pro « Algérie française », majoritaires.

Si le livre, forcément très morcelé, rend difficilement compte des événements pour ceux qui ne les ont pas déjà en tête, il est très précieux pour comprendre ce qu’étaient ces intellectuels, comment toutes leurs certitudes furent ébranlées à partir de 1956 par la guerre, mais aussi par les deux « affaires » de Budapest et de Suez : le monde n’était plus réduit à la seule guerre froide entre USA et URSS.

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