Les sauvages
Sabri Louatah, Flammarion/ Versilio,
Les sauvages, Tome 1, 2011, 308 p. [2e tirage mai 2012], un premier roman, fresque de famille kabyle de St Etienne, en deux jours pour un grand mariage et 24 personnages principaux qui forment l’arbre généalogique de cette famille ; c’est en même temps le second tour de la future élection présidentielle de mai 2012 pour laquelle le parti socialiste a finalement sélectionné comme candidat un bobo beur spécialiste de la communication: les événements lui assurent une victoire éclatante… La morale de la fable est que les beurs sont non pas une « communauté » allogène en France, mais un traceur intégré au cœur de la société française, avec ses immenses classes moyennes, ses élites enfermées dans leur bulle, ses « kairas » de banlieue engagés dans des stratégies que personne, et surtout pas eux-mêmes, ne peut prévoir. Imagé, truculent, virevoltant, le drame décrit une famille aussi fragmentée qu’indissoluble.
Les sauvages, Tome 2, mai 2012, 478 p., donne quelques commentaires de presse, qui éclairent aussi le tome 1 : « tableau social d’une banlieue déboussolée » pour Mohamed Aissaoui au Figaro, « une fresque française » pour Patrick Williams dans Elle… Le livre se termine sur l’annonce d’un tome 3. En attendant, la taille du volume se justifie par la longueur de l’événement, trois jours (et non plus deux comme pour le tome 1), mais surtout par l’élargissement européen de la scène, où certes la famille Nerrouche est toujours centrale, mais où l’enjeu devient le sort du nouveau président élu, loin de St Etienne et surtout dans le Paris bobo non loin de la Bastille en proie aux « kairas ». A la fresque familiale du premier volume fait suite la comédie de la politique, de la justice et de la police, aux prises avec une ignorance abyssale des réalités de la sociétés des « sauvages » (sauf pour l’opéra de Rameaux qui porte ce nom…).
Les sauvages tome 3, Sabri Louatah, Flammarion/ Versilio, 580 p., 2013
Ce pavé n’a guère suscité de commentaires sur le web : attaquons donc. La plupart des personnages et des ambiances des deux volumes précédents se sont estompés (St Etienne, la double famille Nerrouche, le Paris bobo du clan Chaouch), et on en a du regret. On passe à une saga planétaire (New York, Gênes) dont les personnages de premier plan sont maintenant ceux du monde du renseignement (entre juges, flics et journalistes). Même si (volontairement ?) ce roman fleuve déborde de partout, on est assez pris pour vouloir connaître le sort de la journaliste saisie dans la varappe à Fontainebleau, celui du G 8 annoncé, celui de l’alliance électorale en France entre extrême droite et droite. C’est peut-être cette politique fiction rétrospective (arrêtée au printemps 2012), qui ressemble beaucoup à l’actualité réelle de l’automne 2013 qui nous a tenu en haleine jusqu’au bout de ce polar, écrit dans une langue dont les trouvailles gardent toutes leurs saveurs.
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