Impasse Verlaine, Dalie Farah, roman, Grasset 2019, 218 p.
Coup de soleil a aimé ce roman, invité au MODEL 2020 https://m.youtube.com/watch?v=X75vj4_l0pE Notre prix littéraire « Coup de cœur de Coup de soleil » lui a été décerné au printemps 2020… et nous attendons des moments plus faciles afin d’inviter cette romancière « en présentiel »… à moins que nous sachions organiser avec elle une séance de dialogue sur écran.
C’est un roman dur, d’une langue explosive. C’est une success story, celle de la petite fille issue d’une mère illettrée, berbère des Aurès en Algérie, née en Auvergne, passant le bac grâce à un amour acharné de la littérature. Quelle est la part d’auto-biographie dans le récit écrit par cette prof de lettres à Clermont-Ferrand, pour ce premier roman ? Les lecteurs ont été séduits par l’histoire familiale allant des grands-mères « au bled », en passant par la mère femme de ménage dans son HLM de l’Impasse Verlaine, jusqu’à l’enfant qui raconte ses peines violentes et ses joies intenses. Bien des scènes sont attendues, mais elles sont racontées avec une verve exceptionnelle : l’aide à sa mère pour le ménage ou pour les soins aux handicapés, la scène au bureau de poste pour l’envoi du mandat (quand on est illettré, comment et à quel endroit signer? Qu’est-ce qu’un expéditeur et un destinateur?), l’école, la colonie de vacances, les copines qu’on fréquente en douce, et là-bas, vers Aïn Beïda, la circoncision des frères, le méchoui, les cousines.
Quelques citations pour vous donner envie de lire :
[la mère, Vendredi, passe le permis de conduire] : … elle écorche tous les mots, elle mélange les flèches […], je m’applique à être claire, à bien lui expliquer, je suis une pédagogue-née, car à chaque fois qu’elle se trompe, je prends une claque. […] Quand pour la troisième fois elle se retrouve dans une voiture avec un inconnu à côté d’elle, prêt à la juger […] depuis la fenêtre de l’appartement, je la vois lever la main et brandir le papier rose de la victoire, je me réjouis de la raclée que je ne vais pas prendre, j’adore Vendredi. (p. 76-77)
Le voyage scolaire au pays du Grand Meaulnes m’assassine et me ressuscite, dans le désordre. Il y a la route que j’avale, les arbres qui font révérence de part et d’autre du lacet de bitume. Dans le bus on chante, j’interprète Les Flamandes…
Au bled : Je veux être condescendante et je trouve en moi les ressources distillées par l’école républicaine, habile à transmettre le mépris et la suffisance sans même une publication au Journal officiel. Mon intégration est parfaitement réussie : je déteste mon nom, ma couleur de peau, ma tête, mes cheveux, je méprise la musique et la langue d’un peuple si minable qu’après un asservissement séculaire, il a trouvé bon de chercher un eldorado dans le pays de ses maîtres et bourreaux.
(La lettre mensuelle de nos amis lyonnais nous parle aussi de ce livre par la plume de Denise Brahimi: https://www.coupdesoleil-rhonealpes.fr/lettre-culturelle-franco-maghrebine-49
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